Légende de Marguerite de Maubourg

Collection privée


Dans le vieux castel de Maubourg vivait le baron Jacques de Mallet et son unique enfant, Marguerite.

Souvent le seigneur, accablé d’ans, couvert de glorieuses blessures rapportées d’Italie, songeant à ses deux fils morts à ses côtés sur le champ de bataille de Marignan, inquiet de l’avenir de sa race, reportait ses regards sur sa fille et la sollicitait de prendre un mari.

Marguerite finit par se rendre aux vœux de son père mourant et elle épousa en 1527 Christophe de Fay, seigneur de l’Herm et de Saint-Quentin.

Elle fit alors de sa vie deux parts, celle de ses devoirs de femme et celle de la charité. Sa bonté était si grande, son cœur si généreux, que son mari avait voulu y mettre un frein, mais la châtelaine ne suivait que l’élan de sa nature.

Un matin que le baron était parti au point du jour pour la chasse avec les sires de Thourenc et de Rochebonne, elle se leva immédiatement après lui et, malgré les rigueurs de la saison – on était en hiver – elle enveloppa en hâte dans les plis de son manteau des provisions et des vêtements pour une pauvre famille de bûcherons qui habitait à une assez longue distance du château.

Elle cheminait depuis quelques temps lorsqu’au détour d’une allée, dans la forêt, elle se trouvait tout à coup en présence de son mari.

Tremblante, elle voulait fuir mais déjà le baron l’avait retenue et d’un ton rude il lui demandait où elle allait à pareille heure et ce qu’elle portait dans son manteau.

- Ce sont des fleurs ! répondit-elle, dans son trouble, espérant par un pieux mensonge sauvegarder son aumône.
- Des fleurs ! dit l’incrédule Christophe. Voyons ? et ce disant, d’un revers de main, il entr’ouvrit les plis du manteau.

Aussitôt une quantité de marguerites et de roses se répandit sur le sol, embaumant l’air d’un parfum délicieux.

Confondu par ce miracle éclatant, le fier seigneur n’eut garde dès lors de s’opposer aux bienfaits de sa pieuse épouse et ne cessa de la seconder dans son œuvre de bienfaisance.

Lorsque Marguerite mourut en 1556, elle voulut être ensevelie au lieu même où le miracle s’était accompli et où fut élevée une chapelle commémorative. Cette chapelle existe encore au sortir du village de Saint-Maurice, à gauche quand on descend vers le Pont de Lignon.

Ulysse ROUCHON
Contes et légendes de la Haute-Loire